Expo Sarah Bernhardt à Paris

Et la femme créa la star.

La plus grande comédienne de théâtre de son temps. Une artiste complète. Une femme qui décida de son destin. Sarah Bernhardt n’a pas seulement marqué la France du 19e siècle, son talent et sa renommée dépassaient largement les frontières. Tout cela avant l’existence du cinéma et des médias people.

Une exposition essentielle consacrée à la grande dame était proposée par le Petit Palais à Paris entre avril et août 2023.

Sarah Bernhardt, née le 22 octobre 1844 à Paris, d’origine néerlandaise par sa mère, rentre au Conservatoire à 15 ans, est acceptée à la Comédie-Française trois ans plus tard, en est renvoyée pour « insubordination » l’année de ses 22 ans, ce qui ne l’empêchera pas de devenir la plus grande tragédienne du moment dans d’autres théâtres bien contents de l’accueillir. Devenue inévitable sur scène, la noble institution parisienne finira par la rappeler pour lui offrir le statut de sociétaire en 1875. Victor Hugo la surnommait la « Voix d’or », Sacha Guitry l’idolâtrait, Jean Cocteau inventa l’expression « monstre sacré » pour elle, elle était renommée pour ses agonies sur scène et le Tout-Paris s’arrachait ses faveurs. Une légende vivante qui est restée dans les mémoires de tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu à l’art dramatique, même un siècle après sa mort.

Deux des grands rôles de Sarah Bernhardt : Jeanne d’Arc et Le Passant. À droite : tableaux et sculptures la représentant.

Devenue une influence majeure au théâtre, s’ennuyant quelque peu dans les rôles trop conventionnels à son goût proposés par le classicisme de la Comédie-Française, elle la quitte d’elle-même en 1880, devant payer une somme considérable pour rupture de contrat. Après tout, elle avait éclaté les conventions en jouant des rôles masculins parce qu’elle ne voyait aucune raison de ne pas interpréter les personnages qui l’intéressaient le plus – notamment le troubadour Zanetto dans Le Passant de François Coppée dès 1869.

Collet en fourrure et éventail ayant appartenu à Sarah Bernhardt, couvertures du magazine Le Théâtre, décor de la pièce L’Aiglon.

C’est alors au Théâtre de la Porte-Saint-Martin et avec sa propre compagnie qu’elle lie son destin. Autrefois muse des plus grands dramaturges français en activité au 19e siècle (Hugo, Edmond Rostand, Victorien Sardou), devenue une superstar auto-suffisante, on monte pour elle des pièces à la scénographie gigantesque et aux costumes luxueux : elle est Cléopâtre et Jeanne d’Arc en 1890, Phèdre en 1894. Elle part en tournée mondiale à travers les États-Unis, en Russie, en Grande-Bretagne, partout elle devient synonyme de la grande culture française. Elle reprend ensuite les rennes du Théâtre des Nations (actuel Théâtre de la Ville) sur la Place du Châtelet et le rebaptise Théâtre Sarah-Bernhardt en 1899.

Elle devient L’Aiglon pour la pièce d’Edmond Rostand en 1900 qui raconte les dernières années du fils de Napoléon Ier, elle joue le rôle-titre évidemment. À 55 ans, en costume militaire, ce sera l’un de ses plus grands triomphes.

Costume porté pour Cléopâtre, statue grandeur nature en Phèdre, sculpture d’une algue en bronze par Sarah Bernhardt.

En 1900, une certaine invention devenue très vite populaire permettra à un plus grand public de découvrir celle que l’on surnommait également « la Divine » (avant qu’Hollywood ne colle plus tard l’étiquette à la reine du cinéma muet Greta Garbo) : le cinéma est né et c’est dans le rôle d’Hamlet de Shakespeare – qu’elle tenait aussi au théâtre – qu’on la voit montrer sa dextérité à l’escrime dans Le Duel d’Hamlet dans le tout premier spectacle de cinéma sonore de l’Histoire (son du phonographe synchronisé avec l’image) : Le Phono-cinéma-théâtre, visions animées des artistes célèbres. Le programme est présenté à l’exposition universelle de 1900 à Paris.

Affiche dessinée par Mucha pour la pièce Médée, portrait de Sarah Bernhardt par Georges Clairin, costume de Jeanne d’Arc.

Consciente de l’utilité de la publicité dans son métier et toujours en besoin de nouveaux capitaux pour assurer son train de vie d’un côté et afin de soutenir sa compagnie de théâtre de l’autre, elle devient l’égérie de la marque Lefèvre-Utile (les biscuits Lu) entre autres. Elle retrouve pour l’occasion l’illustrateur Alfons Mucha qui avait déjà réalisé les plus belles affiches de ses pièces de théâtre pour elle.

Façade du Théâtre de la Porte Saint-Martin, affiche pour le Phono-cinéma-théâtre, dernière photo de Sarah Bernhardt en 1923.

Ce que l’on connaît moins de l’actrice, ce sont ses autres talents et l’exposition au Petit Palais mettait particulièrement bien en valeur cet autre pan de la vie d’une artiste pluridisciplinaire puisqu’elle était également peintre et sculptrice. À côté des portraits que d’autres artistes ont rendu d’elle (ses amis Gustave Doré, Georges Clairin, Louise Abbéma), on pouvait découvrir les réalisations personnelles de Sarah Bernhardt : marbre, bronze, autoportraits et natures mortes, tout l’intéressait et elle disposait de son propre studio dans son hôtel particulier pour s’adonner à ses passions.

Sarah Bernhardt la star, mais aussi l’intime, c’est ce que la très belle exposition nous donnait à voir et la collection mériterait amplement de devenir permanente afin que de nouvelles générations découvrent l’impact de cette femme exceptionnelle sur son siècle et l’empreinte qu’elle a laissée sur le théâtre et même aux débuts du cinéma – on peut la voir dans quelques films muets jusqu’à sa disparition en 1923.

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Photos : @Simply.Mad 2023 et @Lena 2023

Publié par Simply.Mad

Geek, cinéphile, fan de science-fiction et de bande dessinée. Aime un peu trop le chocolat.

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