L’Alsace de Miyazaki

Le château ambulant de Miyazaki

– Vous avez combien de noms ?

– Autant qu’il faut pour vivre libre.

Sophie et Hauru (Le Château Ambulant)

Je vous emmène cette fois en voyage dans un univers un peu différent des sujets que je traite habituellement : celui de l’animation et d’un réalisateur en particulier dont j’admire le travail depuis longtemps : Hayao Miyazaki.

C’est qui Miyazaki ? Le maître incontesté du cinéma d’animation japonais, celui qui a su éclater les frontières grâce à la grande poésie et aux thèmes universels de son œuvre. Si l’oncle Walt a longtemps régné sur le monde du long métrage animé, Miyazaki est celui qui lui a fait de l’ombre dès les années 80, d’abord sur l’archipel asiatique avant d’être reconnu du grand public avec la sortie internationale du Voyage de Chihiro en 2001 (qui a remporté l’Oscar du meilleur film d’animation). Il est d’ailleurs intéressant de noter que c’est grâce à l’empire Disney que ses films ont été distribués dans le monde occidental dès 1996.

Le Studio Ghibli – qu’il cocrée en 1984 – est rapidement devenu synonyme de cinéma d’animation de qualité, plutôt destiné à un public d’adolescents et d’adultes, depuis la sortie de Nausicaä de la Vallée du Vent jusqu’à sa dernière réalisation en 2013, Le vent se lève. Son fils Gorō a pris la relève en 2006 avec Les Contes de Terremer.

Le Studio Ghibli est devenu tellement populaire au Japon qu’il y a son propre musée et qu’un parc d’attractions y ouvrira fin 2022. Et un personnage en particulier créé par Miyazaki est reconnu partout et est devenu la mascotte du studio : Totoro, la créature qui promène sa bonhomie tout en rondeur depuis la sortie de Mon voisin Totoro en 1988.  

Et donc, pourquoi je vous parle de ce grand monsieur ?

Parce qu’il s’est inspiré d’une région en France pour l’un de ses longs métrages, qui n’est autre que mon préféré de toute sa filmographie (qui contient pourtant quelques pépites comme Le Voyage de Chihiro précité et Princesse Mononoke) : Le Château Ambulant. Ce film est adapté du roman Le Château de Hurle de l’auteure anglaise Diana Wynne Jones et est sorti en 2004. On y retrouve comme souvent chez Miyazaki un personnage féminin fort et des caractères plus complexes que dans tout autre œuvre animée.

La célèbre Maison Pfister de Colmar, tout droit sortie du 16e siècle

C’est en effet à Colmar et à Riquewihr en Alsace que Hayao et son équipe sont venus chercher l’inspiration dans l’architecture afin de créer la ville où vit Sophie, l’héroïne de l’histoire. C’est surtout Colmar, la bourgade touristique au centre historique typique, qui a ainsi prêté ses maisons à pans de bois et ses couleurs vives à l’imagination du dessinateur-réalisateur.

Un élément de la ville est recopié intégralement dans le film, enlevant tout doute quant à l’origine de l’architecture dans Le Château Ambulant, un célèbre bâtiment de Colmar est effectivement reconnaissable, il s’agit de la bourgeoise Maison Pfister située dans la rue des Marchands. Ses deux tourelles aux tuiles vertes et ses balcons sont bien là dans la séquence des festivités en ville au début du film, on le reconnaît également lorsque Hauru (l’autre personnage principal) s’élève dans les airs en compagnie de Sophie. Cette maison classée a été construite en 1537, en pleine période Renaissance dont on y retrouve les influences. Un miracle qu’elle ait pu survivre pratiquement telle quelle depuis 5 siècles alors qu’elle est faite de bois ! Une autre bâtisse historique de Colmar, le Koïfhus (ancienne douane), a assurément inspiré les designers, on retrouve à plusieurs endroits de la ville fictive des tourelles, arcades et balcons de bois qui lui ressemblent. Le Koïfhus a été édifié au 15e siècle et modifié ou agrandi dans les siècles suivants.

Au fait, savez-vous pourquoi tant de maisons à Colmar et ailleurs en Alsace sont munies d’oriels (avancées en encorbellement sur les façades) qui occupent souvent deux étages et se terminent par un toit en pointe ? C’était un moyen pour les bourgeois de l’époque d’agrandir leur maison sans devoir payer plus de taxes foncières. Malin !

Architecture de Colmar et le Koïfhus

Et si un train ne traverse pas la « Petite Venise » alsacienne comme dans le film, on reconnaît par contre les fameuses enseignes décoratives de boutiques en fer forgé typiques de l’Alsace, aussi bien dans ce film que dans un autre long métrage de Miyazaki : Kiki la Petite Sorcière (1989), alors que l’inspiration des décors provient plutôt de Stockholm en Suède, on y retrouve malgré tout des maisons à colombages et des enseignes en fer forgé, notamment celle en forme de bretzel qui orne la boulangerie où va travailler Kiki ! 

Influences alsaciennes chez Miyazaki
Images tirées de Kiki la Petite Sorcière

Architecture inspirée de Colmar dans Le Château Ambulant, motif de chaise curule; film (2004) vs réalité (2022)

Mais des maisons à colombages, il y en a aussi en Normandie, me direz-vous… oui, mais celles-ci sont le plus souvent soutenues par des poutres verticales, alors qu’en Alsace elles sont généralement obliques. L’aviez-vous remarqué ? Par ailleurs, on peut chercher la signification des formes données aux pièces de bois sous les fenêtres, ces motifs décoratifs seraient en lien avec le métier exercé par le propriétaire de la maison. Ainsi la « chaise curule » voudrait dire qu’un magistrat habitait les lieux. Même la couleur des murs était en rapport avec le métier ou la religion des habitants (coutume perdue de nos jours).

Les oriels en forme de tourelles et les enseignes de Colmar

Mais pourquoi cet intérêt des Japonais pour cette région de France en particulier ? En effet, d’autres artistes japonais se sont inspirés de l’Alsace (manga, animés). Eh bien, il faut remonter à la première coopération économique entre le Japon et la ville de Mulhouse en 1864 alors que cette dernière domine l’industrie textile. Les gros commerçants du pays du Soleil-Levant font alors le voyage vers l’Europe pour obtenir des tissus manufacturés afin d’en faire des kimonos, entre autres, à une époque où ils ne disposent pas encore eux-mêmes des machines et de la technologie nécessaires. Il est amusant de noter que de nombreuses petites villes alsaciennes sont jumelées avec des cités japonaises, faisant perdurer cette alliance – devenue touristique.

Vous pouvez retrouver toutes les images tirées du film Le Château Ambulant dans la rubrique Galerie de photos du site.

Photos : @Simply.Mad 2022 (et captures des DVD du Château Ambulant et de Kiki la Petite Sorcière - Studio Ghibli et Buena Vista 2004 et 2005)

Publié par Simply.Mad

Geek, cinéphile, fan de science-fiction et de bande dessinée. Aime un peu trop le chocolat.

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