Au Service de la France depuis Bruxelles

Une série originale Arte France qui nous raconte la vie de bureau du service secret français en pleine guerre froide. Un ton satirique qui s’attache à décrire avec sérieux des personnages caricaturaux sur fond de conflits géopolitiques entre la CIA, le KGB et la France de de Gaulle. On y parle de défections derrière le Rideau de fer, de l’Algérie… mais aussi d’amourettes, de (mélo)drames familiaux et de petites guéguerres d’influence au sein des services de renseignement français (la future DGSE).

Nous devons la série à Jean-François Halin qui a écrit pour les Guignols de l’Info et les émissions du Groland sur Canal+ avant de passer au grand écran, il est surtout connu en tant que scénariste des films OSS 117 avec Jean Dujardin. D’ailleurs, le ton de la série n’est pas éloigné de ces films comiques : même époque, même style dans les décors et costumes, même ambiance… et certains des espions ont bon nombre de défauts en commun avec ce bon vieux Hubert Bonisseur de La Bath 😉

La musique est signée Nicolas Godin, autrement plus connu en tant que membre du groupe Air (à qui l’on doit l’inoubliable bande originale du Virgin Suicides de Sofia Coppola). Le générique sent bon les sixties !

La saison 1 de la série fût diffusée en 2015 et suivie d’une seconde saison en 2018, le tournage – essentiellement en Île-de-France pour la première saison – se déplace alors à Bruxelles grâce au Tax Shelter, la capitale belge doublant ainsi la métropole française. Au générique de fin, dans les remerciements, on peut d’ailleurs y lire deux lieux en Belgique : le Jardin botanique de Meise (déjà aperçu dans L’Écume des Jours de Gondry) et la Chapelle musicale Reine Élisabeth à Waterloo (qui accueille les musiciens du monde entier pour le Concours musical international du nom de la reine).

Sous l’Atomium à Bruxelles; série (2018) vs réalité (2017)

Petit tour des lieux de tournage de la saison 2 par épisode :

• Épisode 1 « Tétanos et fièvre jaune » : Atomium, Bruxelles. L’agent Calot (Jean-Édouard Bodziak) y rencontre un agent de la CIA. On ne peut s’y tromper et la série ne tente pas de mentir, ce sont bien sous les belles boules brillantes de ce symbole de Bruxelles (le plus connu juste derrière le Manneken Pis, peut-être) que la scène est filmée. Mais c’est quoi l’Atomium ? Haute de 102 mètres, cette structure en acier qui abrite restaurant et salles d’exposition est un vestige de l’Exposition universelle de 1958, imaginée par l’ingénieur André Waterkeyn et les frères architectes Polak, elle représente la structure cubique d’un cristal de fer (9 boules pour 9 atomes de fer) agrandie 165 milliards de fois. De passage dans la capitale, ne manquez pas de visiter l’endroit, la montée en ascenseur (en 23 secondes) vers la boule supérieure offre un beau panorama à l’arrivée, et si vous préférez les escalators et escaliers qui vous emmènent de boule en boule, vous aurez l’impression d’être plongé.e dans un film rétro de science-fiction !

L’Atomium et ses atomes, symbole de la ville de Bruxelles

Mais revenons-en à la série qui nous occupe. L’action se déplace à Cuba mais c’est en fait une plage au Maroc qui a accueilli le tournage de ces scènes. À l’identique lorsque dans l’épisode 2, « Autodéterminés », nous sommes à Alger, c’est toujours le Maroc – Merzouga et Casablanca.

• Épisode 3 « Quand l’eau est à douze degrés, on doit s’attendre à ce qu’elle soit froide » : Mercaillon (Wilfred Benaïche) se rend dans un peep show pour confier une mission à deux hommes de main, je n’ai pas pu localiser l’endroit exact mais d’après la façade, on serait bien à Bruxelles…

Rue des Chandeliers à Bruxelles

• Épisode 4 « Le singe est dans la fusée » : André (Hugo Becker) est attaqué dans une ruelle, nous sommes non loin du Musée juif de Belgique, à proximité de la Place du Grand Sablon, très exactement dans la rue des Chandeliers (merci Google Street View). Impossible de se tromper, entre les quelques marches qui mènent à cette petite rue en pente, et la verdure le long du mur, c’est bien le même endroit, même si les graffiti y recouvrent actuellement une bonne partie du mur.

Rue des Chandeliers et Parc de Bruxelles en travaux; série (2018) vs réalité (2021 et 2022)

• Épisode 5 « Le pouche » : André attend un contact sur un banc dans un parc, nous sommes en hiver, les arbres sont dénudés et la verdure manque. C’est le Parc de Bruxelles, face au Palais Royal, un petit garçon sert de messager, oreillette en place. La scène se passe à l’arrière du Vaux-Hall dont on voit un pavillon en arrière-plan. Le banc a été ajouté pour la scène, et l’endroit – comme le reste du parc – est en travaux de rénovation depuis l’automne 2021, des barrières gâchent la vue un peu partout… Ensuite une courte scène dans la salle du cinéma Galeries (le film Auguste de Pierre Chevalier y est diffusé). Plus tard, un nouveau rendez-vous cette fois de nuit pour André, devant une fausse cabine de téléphone de la Police Nationale, toujours Parc de Bruxelles. L’ultime rendez-vous nous ramène au même endroit, cette fois André rencontre un contact russe qui lui demande pourquoi il veut rejoindre l’U.R.S.S. On peut reconnaître le kiosque du parc derrière eux, ce qui m’a permis de situer à peu près l’endroit du tournage de ces scènes.

Parc de Bruxelles en hiver : le kiosque, le pavillon à l’arrière du Vaux-Hall, un des lions faisant face au Palais Royal et au loin le Palais de Justice

• Épisode 6 « Elle est pas verte Gerboise verte » : Moulinier (Bruno Paviot) est en mission et suit Irène (Stéphanie Fatout), la femme du chef Mercaillon, sauf qu’il ignore qui elle est réellement. Ils sont dans la Rue des Minimes à Bruxelles, Moulinier est assis à la terrasse du Café des Minimes à côté de l’Église du même nom; Irène, ayant quitté son mari, est installée dans un petit appartement dont la façade est celle du n°61 de la Rue des Minimes (la fausse librairie Duclot dans la série). Contre toute attente, le séducteur Moulinier tombe sous le charme de la dame qui n’est pas insensible à son élégance non plus, la mission de filature devient ainsi une opération de séduction. Nous sommes à quelques mètres seulement de la rue où André s’était fait attaquer dans l’épisode 4.

Plus tard dans ce même épisode, nous les retrouvons en balade dans la Galerie des Princes en plein coeur de l’îlot sacré de Bruxelles – vous reconnaîtrez les vitrines de la librairie Tropismes chère à Odette Toulemonde – et c’est à un véritable numéro de comédie musicale que nous avons droit de la part des deux acteurs qui reprennent la chanson « Nous les Amoureux » de Jean-Claude Pascal qui remporta avec ce titre le concours Eurovision de la chanson en 1961 (pour le Luxembourg).

Café et église des Minimes; Numéro chanté et dansé dans la Galerie des Princes à Bruxelles; série (2018) vs réalité (2021)

• Petit saut vers l’épisode 8 « John, Jacky, Yvonne et le Général » avec un retour au cinéma Galeries, cette fois c’est Moïse (Christophe Kourotchkine) qui attend un contact, une scène quasi identique se trouve dans l’épisode 11 où il regarde le film La Bride sur le Cou de Roger Vadim avec Brigitte Bardot dans le rôle principal.

• Pour l’épisode 9 « Tovaritch Merlaux », si l’action se passe à Moscou, on peut supposer que le tournage n’a pas quitté Bruxelles ou ses environs boisés. Et à la fin de l’épisode 11 « Non mort de la taupe morte », alors que le fils de Mercaillon vient de se marier, la photo de famille est prise devant la porte de l’église Saints-Jean-et-Étienne-aux-Minimes (voir plus haut).

Galerie des Princes au sein des Galeries Royales Saint-Hubert et Rue et Église des Minimes à Bruxelles

J’ai par ailleurs appris quelques secrets de tournage grâce à l’ami Fabrice (plus connu sur Instagram sous le pseudo de cinema_fabrice). Par exemple, la scène du bar gay de l’épisode 8 a été tournée sur la place de Brouckère à Bruxelles dans un décor complètement créé pour l’occasion, en effet le bar César n’existe pas, ne le cherchez pas 😉 D’autres scènes d’intérieur ont été filmées en studio à Anvers et aux Pays-Bas, la plupart des décors intérieurs récurrents de la série – planque d’André, appartement de Mercaillon, bureaux des services secrets, restaurant – ont ainsi été filmés en Belgique. Et c’est aussi grâce à Fabrice que j’ai appris que la salle de cinéma qui fait de la figuration dans plusieurs épisodes de la saison n’est nulle autre que le Cinéma Galeries au cœur des Galeries Royales, à quelques mètres de l’endroit où le numéro de comédie musicale de l’épisode 6 a été tourné ! Héritier de l’Art Déco, le cinéma à l’unique salle fût inauguré en 1939 et beaucoup plus tard scindé en deux salles distinctes qui offrent de nos jours une programmation Art et Essai.

Photos de tournage du vendredi 3 février 2017 partagées par @cinema_fabrice

Si une troisième saison n’est pas à l’ordre du jour, je ne désespère pas de la voir renaître de ses cendres d’une façon ou d’une autre malgré tout, il y a suffisamment peu de séries atypiques réalisées en France pour abandonner la tentative !

Vous pouvez retrouver plus d’images tirées de la série Au Service de la France dans la rubrique Galerie de photos du site.

D’autres films et séries tournés à Bruxelles, c’est par ici !

Photos : @Simply.Mad 2017, 2021, 2022 et @cinema_fabrice 2017 (et captures d'écran de la série Au Service de la France sur Netflix, 2018)