John Wick fait pleuvoir les balles sur Paris

Où comment un film de série B sorti de nulle part sur nos écrans en 2014 des mains d’un duo d’ex-cascadeurs passés derrière la caméra (même si seul le nom de Chad Stahelski apparaît au générique en tant que réalisateur, afin de respecter entre autres la charte de la Directors Guild of America qui veut qu’un film = un réalisateur, David Leitch volera d’ailleurs très vite de ses propres ailes) a pu donner naissance à l’une des sagas les plus rentables de ces dix dernières années.

Le tournage de ce quatrième opus a eu lieu en 2021 entre les Etats-Unis, l’Allemagne, le Japon et la France pour une sortie en salles en mars 2023. Mais vous pourriez être surpris de découvrir où certaines scènes ont réellement été tournées pour figurer Osaka ou Paris !

On retrouve d’abord notre chevalier solitaire dans le désert du Maroc, là où il était déjà passé avec grand fracas dans le film précédent, Parabellum. Sauf que cette fois, la production a troqué Essaouira contre le désert de Jordanie dans la vallée de Wadi Rum (qui a accueilli notamment le tournage de Dune).

Bien sûr, Manhattan constitue toujours un arrêt obligatoire pour les personnages de cette aventure musclée qui a débuté là-bas dans le premier film. On retrouve l’immeuble familier de l’hôtel Continental – en réalité le Beaver Building à Wall Street pour l’extérieur et le Cunard Building pour le grandiose hall d’entrée au style Renaissance italienne – et le faux columbarium où repose Charon (interprété par Lance Reddick, décédé quelques jours avant la sortie du film) a été installé pour le film sur l’île Roosevelt en plein milieu de l’East river. Lorsque l’action se déplace dans une station de métro au Japon, c’est en réalité la station Journal Square à Jersey City, dans l’état voisin, qui apparaît à l’écran. La longue séquence dans l’hôtel Continental d’Osaka a par ailleurs été tournée entre deux continents, sans que rien ne transparaisse à l’écran : tout d’abord Berlin pour les intérieurs et le toit – il s’agit du Internationales Congress Centrum, immeuble vide depuis 20 ans et massivement transformé pour le tournage à grand renfort de néons rouges et de cages en verre. Ensuite le National Art Centre à Tokyo pour les scènes extérieures de l’hôtel, sans faux raccord, et pour finir retour à Berlin où un jardin complet a été créé de toutes pièces sur un terrain vague. 75.000 tiges de bambou ont été plantées et l’équipe de décorateurs a construit le pavillon avec les bassins d’eau et les cascades. On peut aussi voir Keanu Reeves courir dans les rues d’Osaka pour compléter cette séquence intense.

Dans la capitale allemande, on peut encore voir sur l’itinéraire de John Wick l’église de la Ruska Roma qui est en réalité une combinaison de la Pfarrei Bernhard-Lichtenberg et de l’Église du Sacré-Cœur de Berlin, avec quelques plans filmés dans un autre lieu particulièrement intéressant : le sanatorium abandonné Beelitz Heilstätten non loin de Potsdam, digne d’un film d’horreur, l’endroit a été utilisé comme hôpital militaire par Hitler pendant la Seconde guerre mondiale et par les Communistes ensuite; il a aussi servi de lieu de tournage pour d’autres films, dont Le Pianiste de Roman Polanski et A Cure for Wellness de Gore Verbinski.

Le nightclub est quant à lui le Krafterwerk pour les intérieurs, une ancienne usine thermique qui alimentait Berlin-Est au temps du Mur et transformé depuis sa chute en un haut-lieu événementiel sur fond d’architecture industrielle, une magnifique réutilisation d’un lieu autrement voué à disparaître. Et les extérieurs ont été tournés à la Alte Nationalgalerie avec le péristyle de Kolonnadenhof juste en face. On peut encore citer le Krematorium Baumschulenweg où se rencontrent pour la première fois dans le film Winston (Ian McShane) et le Marquis de Gramont (Bill Skarsgård), nouvel ennemi venu s’interposer entre Wick et son but ultime : sa liberté.

Ce qui nous amène aux nombreuses séquences tournées à Paris, notamment pour l’apogée du film.

En haut l’aile Denon au Louvre et le tableau Le Radeau de la Méduse de Géricault; en bas le Jardin du Luxembourg à Paris.

On débute le périple parisien par une scène tournée de jour au Jardin du Luxembourg, c’est là que Caine, l’assassin aveugle joué par la légende du cinéma hongkongais Donnie Yen, écoute une jeune femme en train de jouer du violon, on apprend qu’elle est en fait sa fille, Mia. Même si en vrai on avait déjà vu Paris au tout début du film sans le savoir : John s’entraîne au combat dans un sous-sol new-yorkais qui se trouve en réalité sous la dalle de la Défense !

Direction le Louvre ensuite pour une scène entre Winston et le Marquis de Gramont qui a privatisé une salle du célèbre musée pour lui tout seul ! Nous sommes dans l’aile Denon, au département des peintures, on peut aisément reconnaître des tableaux aussi fameux que Le Radeau de la Méduse de Géricault et La liberté guidant le peuple de Delacroix. Décidément très à l’aise dans les lieux luxueux de la haute aristocratie, de Gramont nous avait déjà reçus dans le prestigieux Grand salon et dans le Grand escalier de l’Opéra Garnier, ensuite dans le Manège de la Grande écurie du roi au château de Versailles qui abrite depuis 20 ans l’Académie Équestre de Versailles du metteur en scène Bartabas.

John rencontre enfin le Marquis pour décider des détails du duel qui doit les opposer afin de mettre fin au litige entre notre héros et les représentants de la Grande Table, l’organisation criminelle qui employait John et dont il veut se libérer. C’est sur la Place du Trocadéro-et-du-11-septembre du Palais de Chaillot, face à la Tour Eiffel, que la rencontre a lieu.

John se rend ensuite à l’église Saint-Eustache pour voir Caine. Cette église se situe dans le 1er arrondissement, dans le quartier des Halles, sa construction débutée au 16e siècle n’a eu de cesse d’évoluer au fil des remaniements architecturaux pour donner le résultat visible de nos jours.

L’église Saint-Eustache, la Tour Eiffel vue depuis la Place du Trocadéro et le Palais de Chaillot.

On retrouve Vincent de Gramont dans son quartier général parisien qui n’est autre que la Fondation Louis Vuitton, un musée d’art moderne construit en bordure du Jardin d’Acclimatation au sein du Bois de Boulogne. On doit ce bâtiment particulièrement esthétique inauguré en 2014 au célèbre architecte nord-américain Frank Gehry (on lui doit aussi le Walt Disney Concert Hall à Los Angeles et la Cinémathèque française). Fait tout de verre et de reflets, le bâtiment fait penser à un voilier dont les voiles – en verre – seraient gonflées par le vent, les scènes du film ont été tournées au niveau du bassin aquatique et de la cascade en pente que l’on peut très bien voir depuis l’extérieur (cette zone étant inaccessible au public du musée).

Et nous voilà arrivés à la longue scène finale du film, une énorme séquence tournée à Paris… et à Berlin ! Si on avait précédemment retrouvé le Bowery King (Laurence Fishburne), rare allié fidèle de Wick, dans le métro parisien à la station Porte des Lilas (en réalité, la station de métro désaffectée Porte des Lilas – Bis ou Porte des Lilas – Cinéma utilisée pour la plupart des tournages dans le métro à Paris), c’est dans la partie souterraine du Canal Saint-Martin que l’on recroise ce dernier alors qu’il dépose John à proximité de la Tour Eiffel, au niveau du Pont d’Iéna (je vous laisse étudier le plan de la ville pour savoir si c’est réaliste…).

La Fondation Louis Vuitton à Paris

On a ensuite droit un nouveau subterfuge de lieux puisque la scène où Wick s’accroche à la Plymouth Barracuda qui fonce sur lui n’a pas été tournée dans les rues de Paris mais de nouveau à Berlin, autour de la place Gendarmenmarkt, on peut y reconnaître le Dôme Français et l’immeuble au coin des rues Charlotte et Jäger. De là déplacement de l’action en pleine circulation Place Charles-de-Gaulle (anciennement Place de l’Étoile) autour de l’Arc de Triomphe… sauf que seules quelques secondes ont réellement été tournées sur place car la ville de Paris n’avait donné l’autorisation d’y déranger la circulation que pour un laps de temps très restreint (Tom Cruise avait eu plus de chance avec Mission Impossible quelques années avant), des sources internes affirment que le réalisateur n’étant pas le champion des repérages, la séquence était mal préparée en amont.

En guise de Paris, retour à Berlin donc, où la séquence complète a finalement été filmée à l’aéroport Berlin-Tegel, définitivement fermé en 2020. C’est là que la course-poursuite et les échanges de tirs autour de l’Arc de Triomphe ont été mis en boîte, en y ajoutant le monument en post-production via la société d’effets numériques Rodeo FX (voir la vidéo comparative ci-dessous). Keanu Reeves était d’ailleurs réellement derrière le volant, comme on peut le voir dans les bonus du film sur support physique.

Alors que Wick se rapproche de Montmartre où le duel avec le Marquis l’attend, on peut voir Caine en train de finir un verre de vin en terrasse face au Moulin Rouge, le cabaret mondialement connu situé sur le boulevard de Clichy. Mais avant cela, John doit affronter une horde de tueurs lancés à ses trousses, le Marquis ayant espoir qu’il ne parvienne pas jusqu’à lui en mettant sa tête à prix. Arrivé à la place Constantin Pecqueur – on peut voir de dos le Monument à Théophile Steinlen – il pénètre dans un immeuble au 18 rue de l’Abreuvoir (retournez-vous et vous verrez le buste de Dalida sur la place du même nom), à l’intérieur nous assistons alors à un vrai shoot ‘em up digne des meilleurs jeux vidéo, le quasi plan-séquence en prise de vue aérienne passant outre murs et plafonds restera longtemps dans la mémoire des cinéphiles. Celui-ci a été tourné en studio où l’intérieur de l’immeuble d’habitation a été ré-imaginé, plus exactement au studio Babelsberg de Potsdam, près de Berlin. Retour à Montmartre lorsque John se lance par la fenêtre pour s’échapper, il atterrit – violemment – dans la rue de l’Abreuvoir, une des vues les plus connues de Montmartre avec la Basilique qui dépasse des toits.

Devant se rendre à l’édifice religieux justement, rien ne peut expliquer qu’il fasse alors un détour pour se retrouver de l’autre côté au pied de la Butte, si ce n’est le désir du réalisateur de filmer une scène d’anthologie dans les escaliers de la rue Foyatier ! On le retrouve donc place Suzanne Valadon où il va devoir se frayer un chemin parmi la petite armée de tueurs à gages lancés à ses trousses et bien décidés à ne pas le laisser arriver en haut. La rue faite d’escaliers – 222 marches – longe le funiculaire que les moins courageux empruntent pour visiter la Basilique 😉

Mais c’est deux fois que John va devoir grimper les marches puisqu’arrivé une première fois tout en haut, il va les dégringoler en autant de roulés-boulés avant d’être aidé par Caine qui va se joindre à lui pour garantir qu’il puisse arriver au rendez-vous avec de Gramont. C’est tout à son honneur étant donné que c’est lui qui est désigné par le Marquis pour prendre sa place dans ledit duel.

La Basilique du Sacré-Coeur a été fermée au public pendant six nuits afin de permettre le tournage de la séquence dans les escaliers. Par contre, pas question de tourner un duel au pistolet juste devant l’édifice religieux ! Le recteur en place a refusé catégoriquement toute démonstration de violence et la séquence a dû être terminée sur un parking à l’aide de fonds verts et le parvis a été recréé numériquement.

L’Arc de Triomphe, la Butte Montmartre, les escaliers de la rue Foyatier et la Basilique du Sacré-Coeur.

C’est pourquoi la séquence finale à l’écran est constituée de plans réellement tournés sur le parvis et d’autres ajoutés ensuite, passant de la façade de l’église à la vue panoramique du « Paris by night » tellement vu au cinéma depuis cet endroit hautement touristique.

Vous pouvez retrouver toutes les images tirées de John Wick chapitre 4 dans la rubrique Galerie de photos du site.

Photos : @Simply.Mad 2017, 2021 et 2023 (et captures du Blu-ray du film John Wick chapitre 4, 2023, Belga Films)