Exposition Georges Simenon à Bologne

Huit voyages d’un romancier, tel est le nom de la première exposition extensive consacrée à l’auteur belge Georges Simenon, papa du célèbre commissaire Maigret.

Vous avez jusqu’au 8 février 2026 pour la découvrir à la Galleria Modernissimo, sous la Piazza Re Enzo à Bologne en Italie.

Des articles de presse aux romans, des films aux séries télévisées, faisons ensemble le tour de la carrière pleine d’aventures d’un des écrivains francophones les plus lus au monde !

Montée en collaboration avec son fils John Simenon, qui a mis à disposition de la cinémathèque de Bologne des documents privés et des photos illustrant la vie de son père, il est assez curieux de voir cette expo naître en Italie plutôt qu’en Belgique, pays natal de Simenon, ou même qu’en France, pays d’adoption professionnelle.

Dix ans de recherches, de classement, de décisions à prendre pour résumer toute une vie. L’expo est découpée en huit thèmes majeurs, présentés comme autant de voyages à la rencontre d’un écrivain très populaire de son vivant qui pourtant se décrivait comme un simple romancier.

De passage à Bologne, je n’ai en tout cas pas pu résister à l’envie de la voir de mes propres yeux, pour en apprendre encore un peu plus sur l’enfant du pays de Liège à qui sont dédiés rue, place et statue dans la Cité ardente.

Fig. 1 et 2 @Fondazione Cineteca di Bologna : papier d’identité et carte de presse du jeune Georges Simenon; le journaliste à l’œuvre dans les journaux et les magazines

L’exposition se tient en sous-sol, à deux pas de la magnifique Piazza Maggiore, dans les salles attenantes à l’historique Cinema Modernissimo.

De façon chronologique, nous suivons la vie de Georges de sa naissance le 12 février 1903 jusqu’à sa disparition en 1989. Né au sein d’une famille aisée de Liège, première ville à suivre l’exemple de la révolution industrielle britannique au 19e siècle, l’histoire de la région nous est rapidement contée via des photos en noir et blanc et des dessins satiriques : les grèves dans les mines de charbon, l’Exposition universelle de 1905, l’occupation allemande lors de la Première guerre mondiale, etc.

Georges sait très tôt ce qu’il veut faire comme métier : il sera journaliste. Des premiers faits divers couverts pour la presse locale, alors qu’il n’est encore qu’un adolescent, aux premiers articles une fois descendu à Paris, ses diverses rencontres dans la capitale française l’amènent à gagner sa croûte en rédigeant des nouvelles et ce que l’on appelait alors des romans de gare. De la littérature populaire où il touchera à tous les genres (romance, mystère, aventure) et qui va lui permettre de s’améliorer en tant qu’écrivain, entre autres conseillé à ses débuts par l’inévitable Colette. Sa première publication : Au Pont des Arches en 1920 sous le nom de plume de Georges Sim. Il en utilisera d’autres avant de reprendre son vrai nom en 1931 lorsqu’il écrivit son premier Maigret : Pietr-le-Letton (bien que le personnage soit déjà apparu dans une nouvelle de l’hebdomadaire Détective).

La première nouvelle publiée; les romans de gare, les couvertures des premiers romans policiers dans les années 1930

La formule était lancée, le succès allait grandissant, permettant très vite au romancier de vivre une nouvelle aventure : l’exploration du monde.

Pendant huit ans, le couple qu’il forme avec sa première épouse, la peintre Régine Renchon – alias Tigy, va traverser la France, la Méditerranée, les pays de l’est, l’Afrique et bien d’autres contrées. Sur son propre bateau d’abord, ces voyages donnent lieu à des reportages pour lesquels Simenon est photographe et reporter à la fois. Il montre le monde et ses différentes peuplades tels qu’ils sont, pour les lecteurs du magazine Voilà dans les années 1930.

A l’orée de la Seconde guerre mondiale, il redevient journaliste pour France-Soir. Après la guerre, il s’installe aux Etats-Unis où les exploits de Maigret (plus de 20 romans déjà parus), traduits en anglais, commencent à faire sensation.

Les traductions des livres de Maigret; le commissaire Simenon; la machine à écrire du prolifique auteur

Le monde du cinéma avait très vite ouvert ses portes à Maigret. En 1932 déjà, Jean Renoir adaptait le roman La Nuit du carrefour, son frère Pierre Renoir devenant ainsi le premier commissaire Maigret de l’écran. La même année Jean Tarride adaptait Le Chien jaune avec son père Abel Tarride dans le rôle principal (le népotisme n’est pas nouveau). Un an plus tard, Harry Baur sera le troisième Maigret dans La Tête d’un homme réalisé par Julien Duvivier.

En 1949, Charles Laughton devient le premier Maigret anglophone pour l’acteur-réalisateur Burgess Meredith avec L’Homme de la tour Eiffel. D’autres acteurs suivront dont Michel Simon et Jean Gabin (3 films en Maigret, plus d’autres adaptations de Simenon).

A Hollywood, hors Maigret, Henry Hathaway adapte Le Fond de la bouteille en 1956 avec Joseph Cotten, Simenon est invité à collaborer au scénario. Un an plus tard, alors que l’écrivain a dû rentrer en France en pleine montée du maccarthysme, sort le film Les Frères Rico avec Richard Conte.

Le romancier le plus prolifique de sa génération s’installe finalement en Suisse où il passera le restant de ses jours.

La télévision va alors s’emparer du phénomène Maigret, parmi les plus grandes réussites, citons la série anglaise de la BBC Maigret du début des années 60 avec Rupert Davies; la série Les Enquêtes du commissaire Maigret débutée en 1967 avec Jean Richard dans le rôle-titre, Simenon lui-même prodigua ses conseils sur la série qui dura 88 épisodes.

Même la Russie et le Japon s’emparent du pardessus du commissaire tandis qu’en Italie, Gino Cervi (le Peppone des films Don Camillo) retrouve le succès grâce aux Inchieste del commissario Maigret entre 1964 et 1972.

Il faudra attendre les années 90 et une double adaptation pour que le commissaire Maigret renoue avec les meilleurs taux d’audience en télévision : en France Bruno Cremer tiendra le rôle pendant 54 téléfilms tandis que de l’autre côté de la Manche, c’est Michael Gambon qui s’y colle pour la chaîne ITV.

Plus récemment, Rowan Atkinson reprenait le rôle à la télévision et Gérard Depardieu au cinéma. En 2025, une version moderne des enquêtes de Maigret a fait surface sur la chaîne américaine PBS avec Benjamin Wainwright, à la manière de la série Sherlock, l’action se passe de nos jours et le personnage est quelque peu rajeuni.

Les acteurs mythiques du commissaire Maigret; Georges Simenon avec Jean Gabin

Mais il n’y a pas que Maigret dans le catalogue inépuisable de l’homme à la pipe, auteur de plus de 400 romans (dont 75 enquêtes de Maigret) et de plus de 180 nouvelles. Régulièrement, le cinéma va continuer à piocher dans ses autres écrits. Parfois invité à collaborer sur ces productions, d’autre fois juste là pour collecter ses droits d’auteur, le Belge gardera toujours à l’œil les adaptations de ses œuvres, rédigeant des notes manuscrites sur chacune d’elles.

Saviez-vous que ces fameux longs métrages français étaient des adaptations de romans de Simenon ?

  • Picpus (1943)
  • Les Inconnus dans la maison (plusieurs adaptations)
  • Le Baron de l’écluse (1960)
  • L’Aîné des Ferchaux (1963)
  • Le Chat et La Veuve Couderc (1971)
  • Le Train (1973)
  • L’Horloger de Saint-Paul (1974)
  • L’Étoile du Nord (1982)
  • Monsieur Hire (1989)
  • La Chambre bleue (2014)

Les affiches des films tirés des romans de Georges Simenon; les notes de l’auteur au sujet de ces films

En dernier lieu, évoquons les raisons de cette exposition en Italie car plusieurs éléments lient Simenon à la « botte » de la Méditerranée.

C’est le premier pays à avoir traduit les aventures de Maigret en 1932. Un des pays où chaque roman publié était garanti d’être un succès populaire et critique. Une amitié indéfectible qui culmina lorsque Simenon, président du jury du Festival de Cannes de 1960, décerna la Palme d’or à La Dolce Vita de Federico Fellini, un film pourtant décrié en Italie à sa sortie. Une correspondance amicale perdura entre Simenon et Fellini, l’écrivain admirant les films du réalisateur et le réalisateur lisant assidûment les romans de l’écrivain.

L’Italie, où, selon l’Index Translationum de l’Unesco, Simenon est l’auteur le plus traduit après Shakespeare, est ainsi devenu le premier marché mondial pour l’œuvre de Simenon, ceci expliquant cela.

Festival de Cannes 1960; Couverture de L’Express pour la sortie du Casanova de Fellini; lettres échangées entre Simenon et Fellini

Exprimant encore le lien étroit entre l’auteur et le cinéma – d’aucuns trouvent que sa façon d’écrire est purement cinématographique – Simenon a également entretenu une correspondance avec d’illustres noms du métier tels que Jean Cocteau, François Truffaut, Bertrand Tavernier qui a signé l’adaptation de L’horloger d’Everton (devenu Saint-Paul dans le film).

Lettres entre Simenon et Cocteau, Truffaut et Tavernier; le bureau et la collection de pipes de l’auteur

Tout à tour journaliste, romancier, photographe, scénariste, c’est une destinée fascinante qui nous est donnée à voir dans cette exposition qui nous permet de marcher dans les pas d’un écrivain qui aura marqué son siècle, sans vanité feinte, et qui continue à être lu, émulé, adapté. Une belle réussite pour un romancier populaire qui a grandement participé à donner aux romans policiers faits de crimes et de mystères leurs lettres de noblesse.

Les deux curateurs présentent l’exposition (en italien et en français)

Lire la préface du catalogue de l’exposition (en français).

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Photos : @Simply.Mad 2025 et @Fondazione Cineteca di Bologna : affiche et photos 1 & 2 en haut de l'article (dossier de presse de l'expo)

Publié par Simply.Mad

Geek, cinéphile, fan de science-fiction et de bande dessinée. Aime un peu trop le chocolat.

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