Les coulisses du film Sauvages de Claude Barras

Rencontre avec les marionnettes du film sorti en 2024 au cinéma.

Une fable écologique et humaine en animation en volume (stop motion) du réalisateur suisse qui nous avait enchanté.e.s en 2016 avec son premier long métrage Ma vie de Courgette.

Nous faisons connaissance dans le film avec les jeunes Kéria et Selaï, habitants de Bornéo, une grande île en Asie que se partagent l’Indonésie, la Malaisie et le Brunei. Les deux enfants sont en fait cousins mais ne se connaissent pas; elle vit aux abords d’une plantation d’huile de palme et va à l’école tandis que lui vit dans la forêt tropicale au sein d’une communauté nomade. Lorsque la déforestation menace la vie paisible de cette petite tribu, le jeune garçon est envoyé contre son gré auprès de son oncle, mais il fugue pour retourner auprès des siens, accompagné bien malgré eux par sa cousine et le bébé orang-outang orphelin que celle-ci a recueilli.

Les marionnettes de Kéria et Selaï et les accessoires de leurs visages (bouches, paupières).

Le samedi 24 mai 2025 était organisé à Bois-du-Luc une après-midi en compagnie de ces petits héros lors de la diffusion du film qui était suivie d’une conférence avec deux des artistes ayant travaillé sur le film : Christine Polis et Benoît Polvêche. Ils étaient en charge des armatures des personnages sur ce film et c’est accompagnés de Selaï, Kéria et Oshi l’orang-outang qu’ils nous ont tout dévoilé sur leur travail.

Mais c’est quoi l’animation en volume ? C’est le principe de placer une figurine articulée dans un décor et de prendre une photo de chaque position afin de recréer un mouvement naturel. Une seconde de film à l’écran contient 24 images, donc ce sont 24 fois qu’un changement minime est apporté à la figurine (yeux, bouche, mains, pieds, etc.) afin de la faire s’exprimer ou bouger. Cette technique était déjà utilisée aux touts débuts du cinéma, de George Méliès au King Kong de 1933, du procédé Dynamation de Ray Harryhausen jusqu’aux films de Henry Selick et Tim Burton, une technique toujours utilisée sur les aventures de Wallace et Gromit et Shaun le Mouton.

Selaï en position assise et les différentes bouches de Oshi l’orang-outang.

Christine Polis a expliqué que sur Sauvages, les équipes d’animation tournaient sur 16 plateaux en simultané et chaque plateau (ou décor) fournissait entre 2,5 et 3 secondes de film par jour ! Un travail titanesque qui demande précision et patience. Il existait onze exemplaires de la marionnette de Kéria, par exemple, ce qui lui permettait d’être utilisée sur plusieurs plateaux en même temps sur des séquences différentes puisqu’elle apparaît dans presque toutes les scènes du film.

À force d’être manipulées, les marionnettes s’abîment, un « hôpital de marionnettes » est donc nécessaire, Christine et Benoît ont été très impliqués également dans ce processus de réparation des personnages pendant le tournage. Les matériaux utilisés sont du silicone – pour la partie molle – et du plâtre – pour la partie dure – afin de construire des figurines à la fois solides, résistantes et souples pour les détails. Les cheveux sont réalisés en mousse de latex.

Les matériaux utilisés pour la construction des décors dans lesquels évoluent les personnages sont le carton, le papier mâché, la frigolite… Les décors sont montés sur de grandes tables surélevées, les fameux plateaux – comme un mini studio de cinéma – afin que les animateurs (ou manipulateurs des marionnettes) puissent se glisser en-dessous. Il faut trois mois en moyenne pour fabriquer une marionnette (du design à la finalisation).

Comme dit plus haut, ce n’est pas une caméra mais bien un appareil photo ultra sensible qui est installé devant chaque plateau, les photos seront montées à la suite afin de créer le film. Tout le procédé est automatisé, ce qui permet de garder l’appareil photo toujours dans la position voulue car à raison de 24 images/seconde, on imagine bien que la moindre erreur de prise de vue se voit à l’écran. Le tournage de ce film a duré sept mois seulement, en effet une production standard est plutôt de deux ans ! Un exploit dû au professionnalisme des différentes équipes sollicitées sur le tournage qui a eu lieu en Suisse, avec des animateurs et spécialistes en provenance de Belgique, France, Espagne, Grande-Bretagne et Suisse, entre autres nationalités. Les marionnettes ont été construites en Haute-Savoie et les costumes étaient confectionnés par un atelier en Bretagne, chaque tenue était cousue sur mesure sur les marionnettes, ce qui impliquait pas mal d’allers et retours entre les divers ateliers d’artisans pendant la durée du tournage.

Christine Polis et Benoît Polvèche et les petits héros du film de Claude Barras « Sauvages ».

Benoît nous a aussi montré le système d’armatures qui constitue le squelette des marionnettes et qui sont raccordées à des crémaillères qui garantissent la fixation du personnage dans la position voulue. On appelle ça le « rigging » et c’était la spécialité de Benoît sur le film de Barras, un vrai travail d’orfèvrerie sur de tous petits éléments fixés par brasage à l’argent. Ces petits bras articulés étaient effacés en post-production afin qu’ils n’apparaissent pas à l’image. C’est la même technique qui permet aussi les effets spéciaux tels que l’envol des oiseaux, les flammes du feu de camp (en réalité en papier), les explosions, etc.

Afin de boucler la boucle, je vous partage quelques clichés pris lors de l’exposition consacrée au film de Claude Barras pendant la dernière édition du festival du film d’animation Anima à Bruxelles en début d’année. Une installation de Christine Polis, justement. Nous étaient donné à voir plusieurs décors et marionnettes utilisés sur le tournage du film.

Kéria et Selaï et leurs parapluies naturels, une maman orang-outang au prise avec une pelleteuse, le papa de Kéria est cueilleur de fruits de palmier.

Christine et Benoît ont travaillé sur Ma vie de courgette et sur L’île aux chiens de Wes Anderson. Christine collabore depuis le début sur les films Panique au Village également. Découvrez l’atelier de Christine Polis et Benoît Polvêche.

Kéria et la famille de Selaï, les jeunes macaque et sanglier animaux de compagnie de la famille de Selaï.

Quelques ressources pour vous faire découvrir l’envers du décor
«Sauvages!»: comment réaliser un film en stop motion? – Reportage du journal suisse Le Temps
Christine Polis, modéliste en stop motion – Reportage de Cinergie

Découvrir les expositions cinéma du passé en Belgique, en France et parfois plus loin.

Photos : @Simply.Mad 2025
Merci à Émilie Jacquemart et au Musée de la Mine et du Développement Durable pour cette opportunité de rencontre. N'hésitez pas à visiter le site web du musée pour connaître leurs futurs événements.
Merci Christine et Benoît pour leur disponibilité et passion à transmettre leur art.

Publié par Simply.Mad

Geek, cinéphile, fan de science-fiction et de bande dessinée. Aime un peu trop le chocolat.

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