
J’savais pas que tu roulais dans un Kinder.
Marco le garagiste (Olivier Legrain)
Un film franco-belge qui célèbre le « echte Brusseleir » , de préférence assorti de son lexique afin d’en comprendre toute la saveur, voilà ce que EuropaCorp, la société de production de Luc Besson, nous proposait en 2006 et qu’est-ce que c’est bon, fieu !
Le réalisateur bruxellois Olivier Van Hoofstadt s’était fait connaître via des courts métrages dans les années 90 (Snuff Movie, Parabellum, Keo…) avant de se voir confier un projet 100% belge, Dikkenek était né. Coécrit et réalisé par Van Hoofstadt, les dialogues sont de Olivier Legrain (qui joue aussi dans le film), et coproduction oblige, au milieu des comédiens belges François Damiens, Jean-Luc Couchard, Jérémie Renier ou Marie Kremer, on retrouve des valeurs montantes du paysage audiovisuel français – Marion Cotillard, Mélanie Laurent et Florence Foresti dans son premier rôle au cinéma, également Dominique Pinon beaucoup vu chez Jeunet et Catherine Jacob.
Il faut savoir que le film a fait un bide à sa sortie au cinéma, la France n’ayant pas compris le délire de l’aventure et la Belgique ayant quelque peu renié la caricature à la truelle. Et pourtant, dès sa sortie en DVD, le film a commencé à être reconnu pour son humour sans filtre jusqu’à rapidement atteindre le statut de film culte des deux côtés de la frontière, les répliques surtout sont devenues cultes de chez cultes (« T’es tendue, Natacha, c’est tout »). Tellement culte que la sauce Dallas pour les frites inventée pour le film existe maintenant bel et bien, vous pouvez la trouver dans le commerce en Belgique !



Commençons par les lieux de tournage à Bruxelles. Claudy Focan, le personnage de François Damiens, est le directeur des ventes aux Abattoirs d’Anderlecht (et artiste en photos de charme à ses heures perdues). Cette halle métallique a été inaugurée en 1890 afin de centraliser le commerce de la viande pour toutes les communes de Bruxelles, les deux statues de taureaux à l’entrée sont l’oeuvre du Français Isidore Bonheur. Bâtiment classé, les abattoirs sont toujours en activité, la grande halle abrite de nos jours un marché et une brocante et s’est vu adjoindre le Foodmet en 2015 afin de fournir produits frais (viandes, poissons, fruits et légumes, épices, etc.) aux particuliers.
Nous découvrons donc Claudy Focan se dirigeant vers la grande halle pour être interviewé par deux étudiants de l’IAD, une des deux écoles de cinéma réputées de Belgique. Claudy nous raconte son métier et nous apprend la fabrication de la fricadelle, reine des baraques à frites. Les petites constructions en brique qui devaient servir de bureaux et que l’on voit dans le film ont disparu depuis, il ne reste plus qu’une seule structure à l’heure actuelle.





Le marché couvert des abattoirs d’Anderlecht, la rue Heyvaert en face et l’emplacement du café « Duvel » du film
Plus tard dans le film, Claudy est attablé dans un restaurant en face des Abattoirs et l’on peut voir par la fenêtre le toit métallique et une statue de taureau derrière lui. Il s’agit de La Paix aux angles des rues Ropsy Chaudron et Heyvaert (établissement repris par la suite par le chef étoilé David Martin).
Une dernière scène est tournée tout près, bien qu’il y ait une petite duperie sur la localisation, en effet lors de la scène où Claudy se fait voler sa voiture dans un autre quartier de Bruxelles et qu’il appelle sa maman, il l’attend « au café où ce qu’il y a Duvel en grand, là ». C’est là aussi que JC (Couchard) se fait arroser à la bière (il l’avait bien cherché). Dans les faits ce café, La Tourelle, était situé à quelques pas des Abattoirs d’Anderlecht, à l’angle des rues Heyvaert et du Compas, c’est maintenant un snack qui occupe ce coin.



Direction ensuite la place Poelaert au pied du Palais de Justice, avec sa vue dégagée sur le quartier des Marolles en bas et au loin la Basilique du Sacré-Cœur de Koekelberg. Par temps clair vous pouvez même apercevoir l’Atomium.

C’est ici qu’une séquence mythique a été tournée : alors que JC discute filles avec son pote timide Stef (Pinon), Claudy s’arrête devant eux pour refermer le coffre de sa voiture, les deux comparses montent dans la Mercedes et partent en laissant Claudy tout penaud. « Dis, je viens d’me faire carjacker », il appelle sa maman d’une cabine téléphonique (installée là pour le film), non sans avoir d’abord pris à part le play-boy loser Greg (Jérémie Renier), « Ou tu sors ou j’te sors, mais faudra prendre une décision! ». Une grande roue était installée place Poelaert lors de ma dernière visite, piège à touristes qui oblige à faire preuve de contorsions pour retrouver les angles exacts vus dans le film…



La cité administrative abandonnée à Bruxelles; film (2006) vs réalité (2022)
D’autres lieux à Bruxelles utilisés dans le film : le supermarché Match de Stockel; la baraque à frites fréquentée par Aziz (Mourade Zeguendi) est placée pour le film au pied d’un immeuble – serait-ce la cité-modèle de Laeken ? – et la BMW 2002 Turbo de JC est garée sur l’esplanade de l’ancienne Cité administrative de l’état abandonnée depuis les années 2000, près de la place du Congrès; le cinéma laissé dans son jus est le Nova à côté des Galeries Royales; la boîte de nuit où Claudy emmène Natacha (Mélanie Laurent) est le Studio 44 près de l’avenue Louise (actuellement le So Louise); l’école communale située rue Timmermans à Forest, quartier au sud de la capitale, c’est ici que le personnage de Marion Cotillard est institutrice.



Le cinéma Nova à Bruxelles; film (2006) vs réalité (2023)
L’hilarante séquence de la classe scolaire au virtuel Musée national des accidentés de la route a été filmée chez un concessionnaire automobile de la région bruxelloise.



Le cinéma Nova à Bruxelles
Quittons maintenant Bruxelles pour la côte. Fabienne (Marie Kremer), la sœur de Greg, fête ses 18 ans et invite la fine équipe dans une villa de luxe à Knokke-Le Zoute. Sur la digue du Zoute, Greg « le King of ze beach » se fait une nouvelle fois chahuter (l’histoire de sa vie) mais cette fois-ci par des enfants ! Par contre, lorsque JC, Stef, Natacha et Nadine (Cotillard) font du vélo le long de la plage, ça ressemble plus à Coxyde, mais je peux me tromper.



Parmi les autres lieux de tournage, on retrouve encore le Domaine régional de Solvay pour la partie de campagne; l’ancien quartier chaud du Triangle à Charleroi (scène du peep show) et Chassepierre est aussi mentionné dans le film.




La côte belge à vélo; la digue de Knokke-Le Zoute et ses cabines de plage
Anecdote amusante : en 2017 lors d’un match de foot important entre le Standard de Liège et le RSC Anderlecht, les supporters de ce dernier ont sorti un tifo géant à l’effigie de JC et Claudy 😀
Si vous souhaitez vous refaire toutes les répliques cultes de Dikkenek, cette page de fan en propose des dizaines à l’écoute.
Petit lexique du film :
- dikkenek : littéralement « gros cou », un vantard, un monsieur-je-sais-tout
- un peï, une meï : un mec, une nana
- un klet : un abruti (quel klet, ce peï)
- un godet : un verre
- fieu : vieux, gars
- goulafe : goinfre
- un saisi : un ahuri
Déjà lu ces articles à propos des autres tournages à Bruxelles ?
Vous pouvez retrouver toutes les images tirées du film Dikkenek dans la rubrique Galerie de photos du site.
Photos : @Simply.Mad 2018, 2021, 2022 et 2023 (et captures du film Dikkenek 2006)
Un avis sur « Délit de grande gueule à la sauce Dallas »