Immersion dans le ghetto de Cracovie avec Spielberg

La Liste de Schindler, un roman et un grand film

Quiconque sauve une vie sauve le monde entier.

Itzhak Stern (Ben Kingsley)

Un film essentiel, autant pour les amoureux du septième art que pour les férus d’histoire. Un devoir de mémoire surtout. Le cinéma a ce pouvoir-là, parfois.

Entièrement tourné à Cracovie dans les lieux-mêmes où ces événements tragiques se sont passés entre 1939 et 1945, ou dans des lieux très proches géographiquement qui pouvaient être utilisés sans trop de « maquillage de décor ».

Steven Spielberg adapte en 1993 le roman éponyme de Thomas Keneally, paru en 1982. Et repart avec 7 Oscars en 1994, dont ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur, de la meilleure photographie à Janusz Kaminski (devenu son chef op’ attitré depuis ce film) et bien sûr de la meilleure musique à John Williams (ah, ce solo de violon par l’immense Itzhak Perlman). La même année sortait un autre film important, dans un autre genre, Jurassic Park du même Spielberg (deux chefs-d’oeuvre absolus à quelques mois d’intervalle, qui dit mieux ?). Le réalisateur a créé en 1994 la USC Shoah Foundation destinée à l’éducation et au maintien de la mémoire de la Shoah.

Usine Oskar Schindler; Carrière Liban; Vieille Synagogue

Si je me trouvais à Cracovie au printemps 2018, c’était avant tout pour assister à son festival de musique de films, l’un des plus beaux au monde soit dit en passant. Mais il m’aurait été difficile de passer à côté de la visite du ghetto et de ses environs, avec le film en tête ou non d’ailleurs. Le temps m’a manqué pour voir chacun des endroits vus dans le film, mais voici une petite sélection de ce que vous pouvez découvrir sur place :

  • Dans le film, on peut voir que le personnage joué par Liam Neeson s’est installé dans un riche appartement dont les occupants juifs ont été envoyés dans le ghetto. Il s’agit de la rue Straszewskiego qui a vue sur le château du Wawel et le clocher de la Basilique-cathédrale Saints-Stanislas-et-Venceslas.
  • Le marché noir de la première partie du film a été tourné à l’intérieur de la Basilique Sainte-Marie (14ème et 15ème siècles), en plein coeur historique de Cracovie.
  • Le film triche un peu avec les lieux de l’histoire: le ghetto créé par les Nazis ne se trouvait pas dans le quartier Kazimierz – qui est bien le quartier historique juif et où se trouvent de nombreuses synagogues construites au fil des siècles – mais de l’autre côté du fleuve. Vous pouvez voir sur la place Bohaterów Getta (Héros du ghetto) une trentaine de chaises en un monument commémorant le jour où les Juifs ont été expulsés de leurs habitations et ont dû laisser leurs biens derrière eux, au profit des Nazis. Le quartier trop moderne a donc été transposé dans le vieux quartier juif qui a gardé le même air que dans les années 1940. C’est à 250 m de la place que vous tomberez sur l’usine d’émail d’Oskar Schindler, c’est bien la vraie que l’on voit dans le film. Maintenant un musée à la mémoire de cette période noire pour Cracovie, initiative qui doit tout au film de Spielberg, l’endroit étant visité par des hordes de touristes venant du monde entier (prévoir de réserver).
  • Pour voir un vestige du mur du ghetto (le vrai), il faut vous diriger vers la rue Lwowska toute proche, il est là étrangement enchâssé entre deux commerces, une plaque commémorative permettant de ne pas le rater. Pour le film, une partie du mur et la porte d’entrée ont été recopiés à l’identique à Kazimierz.
  • Le film transpose donc certaines actions dans le quartier Kazimierz, entre autres autour de la place de la rue Szeroka (maintenant bordée de terrasses de cafés ou restaurants) et de la plus vieille synagogue de la ville (15ème siècle), devenue après la guerre un musée du judaïsme. Ce quartier tente de garder vivant son passé juif bien que seuls quelques centaines de Juifs polonais y vivent encore (sur les 70.000 juste avant la guerre). C’est devenu un quartier qui vogue sur la mode Bobo avec restaurants vegan et bars à bière.
  • La traversée de la Vistule pour se rendre au ghetto se fait dans le film par le pont en acier Józef Piłsudski. Si l’exode a bien eu lieu là, le sens de circulation en a été inversé pour le film afin de ne pas avoir à effacer numériquement des bâtiments trop modernes.
  • Le camp de travail dirigé par l’ignoble psychopathe Nazi Amon Göth (Ralph Fiennes) du haut de sa maison flambant neuve a été recréé au sein de la carrière de Podgórze (aussi connue sous le nom de carrière Liban), alors qu’en réalité le camp de travail Płaszów se situait juste au-dessus. Quelques constructions d’origine du temps de l’exploitation du calcaire (fours à chaux) sont encore visibles au milieu de la végétation qui a repris ses droits dans cette cuvette. Pour le film, le chemin pavé des pierres tombales volées dans les cimetières juifs a été reproduit sur place et peut encore être aperçu à travers les hautes herbes (il s’agit donc bien de fausses tombes). Tout près se trouve l’endroit qui servit de charnier après les exécutions dans le ghetto, et d’où les corps ont ensuite été déterrés pour être brûlés, comme montré dans le film. Les plus intrépides trouveront encore dans cette zone certains jalons marquants cette abominable période qui ne doit jamais être oubliée. Pour ma part, je me suis contentée d’avoir une vue d’ensemble du haut du tertre de Krakus à côté de la carrière, j’ai passé l’âge de m’aventurer sur des chemins non balisés – de plus, des poches d’eau peuvent rendre la descente dangereuse 😉

Quartier juif de Kazimierz; Mémorial de la Fondation Nissenbaum; Statue de Jan Karski, autre héros de WWII; Place Bohaterów Getta; Synagogue Isaac Jakubowicz (17ème siècle)

Mais Cracovie ne se limite pas à son quartier juif ou aux tristes aspects liés à la Seconde Guerre Mondiale, fort heureusement. Ancienne capitale de la Pologne depuis le 11ème siècle, le siège royal est transféré à Varsovie au 16ème siècle. Le château royal du Wawel, perché sur la rivière Vistule, est un témoin flagrant du faste du pays lorsque celui-ci était florissant, avant les multiples invasions et partages des territoires qui secoueront ses frontières dans les siècles suivants.

C’est aussi la ville où Nicolas Copernic a fait ses études, Cracovie héberge en effet l’une des plus anciennes universités d’Europe datant du 14ème siècle. Partout dans la vieille ville vous verrez des vestiges très biens conservés malgré les guerres: les nombreuses églises, la halle aux draps, les parcs arborés qui encerclent le centre-ville historique et où il fait bon flâner, les tumulus sans âge répandus autour de la ville, le centre historique a de plus été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, et ce n’est pas volé. C’est une ville idéale à parcourir à pied ou à vélo, beaucoup de nos villes wallonnes pouvant en prendre de la graine !

Château du Wawel; Basilique Sainte-Marie; Halle aux Draps; Rue du centre historique

Que vous aimiez l’histoire, l’architecture, la gastronomie ou les belles balades nature, la ville s’offre à vous, très bien desservie par avion, train ou bus de longue ligne. La modernité y côtoie le passé dans une harmonie très réussie, à hauteur d’homme. Dzięki Kraków !

Vous pouvez retrouver plus d’images tirées du film La Liste de Schindler dans la rubrique Galerie de photos du site.

Photos : @Simply.Mad 2018 (et captures du film La Liste de Schindler sur Netflix, Universal 1993)

Publié par Simply.Mad

Geek, cinéphile, fan de science-fiction et de bande dessinée. Aime un peu trop le chocolat.

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