
Jamais ce n’est assez pour un homme en lutte contre lui-même comme l’est Vincent.
Theo van Gogh (James Donald)
Un biopic tourné en décors naturels qui retrace la vie du peintre néerlandais Van Gogh de sa Hollande natale à sa fin prématurée en Île-de-France.
Septembre 1955, Kirk Douglas – acteur principal et producteur – et le réalisateur Vincente Minnelli, accompagnés de toute une équipe, débarquent dans un coin perdu du Hainaut en Belgique pour une dizaine de jours de tournage. Le Borinage, région minière proche de la frontière avec la France (non loin de Quiévrain); à l’époque les charbonnages y sont soit fermés, soit en passe de l’être.
Minnelli (oui, le papa de Liza), grand spécialiste de la comédie musicale dont les succès commerciaux et critiques regroupent non moins qu’Un Américain à Paris, Tous en Scène et Gigi, met en images le scénario de Norman Corwin qui adapte le roman Lust for Life (également titre original du film) de Irving Stone. Kirk Douglas lui-même avait acheté les droits du roman biographique avec la ferme intention de jouer le rôle principal. C’est la ressemblance frappante de l’acteur avec le célèbre peintre – qui nous a laissé plusieurs auto-portraits pour la postérité – qui est à l’origine de l’idée du film.



Originalité de l’aventure : tourner sur les lieux-mêmes de l’histoire plutôt qu’en studio comme il est coutume de faire à Hollywood. C’est ainsi que Douglas/Van Gogh va venir fouler le sol rugueux de cette région abimée, usée, qui n’est chaleureuse qu’à travers ses habitants, forts et fiers.
Le tournage avait débuté en France, à Arles, quelques semaines plus tôt. La « maison jaune » peinte par Van Gogh avait été reconstruite à l’identique à l’endroit où ce dernier avait vécu en compagnie de son grand ami Paul Gauguin (Anthony Quinn dans le film, oscarisé pour son rôle) de 1888 à mi-1889. La production arrive ensuite en Belgique pour filmer les premières scènes du long métrage, les années 1878-1880 qui virent Vincent prêcher la bonne parole en tant que pasteur évangéliste (comme son père) auprès des communautés de mineurs de la région du Borinage. Formé à l’art – deux de ses oncles étaient marchands d’art et jeune homme, il travailla pour eux à La Haye, Londres et Paris – Vincent se cherche encore, entre envie d’art et besoin de se sentir utile. A 25 ans, il est donc envoyé dans la rude région du Borinage où son beau français se confronte au patois wallon des mineurs. Il côtoie le quotidien de ces travailleurs du sous-sol et se met à dessiner tout ce qu’il voit. Ces croquis au crayon ou à l’encre représentent la première étape d’une carrière de peintre qui va s’essayer à toutes les disciplines jusqu’à trouver son style propre.



Mais revenons au tournage du film. Plusieurs centaines de figurants sont recrutés dans la région de Mons en Belgique, ex-mineurs ou enfants de mineurs surtout curieux de voir de plus près la grande vedette de cinéma, comme on disait alors. Un joli documentaire est né en 2015, accompagné d’un livre de souvenirs et d’une exposition lors de l’événement Mons 2015, Capitale Culturelle Européenne cette année-là, qui curieusement marquait également les 60 ans du tournage du film de Minnelli. Intitulé Hollywood au Pied du Terril, le documentaire est réalisé par Henri de Gerlache et Philippe Reynaert (longtemps le « Monsieur Cinéma » de la chaîne de télévision publique belge).
C’est grâce à un court documentaire « making of » tourné par le studio de production du film de Minnelli en 1955 (et présent sur le Blu-ray) et grâce à tous les documents gardés précieusement par les figurants d’un jour que la mémoire de ce tournage a pu être conservée. A l’aide d’une anecdote ici ou d’une photo là, la ligne de démarcation entre le peintre et l’acteur s’est faite de plus en plus floue, Douglas s’étant glissé corps et âme dans ce rôle qui lui valut un Golden Globe.
Certaines scènes ont été tournées par la suite en studio à Bruxelles (scènes du Comité belge des Messagers de la Foi) mais pour le reste des événements belges, c’est sur les emplacements de la mine du Grand-Hornu et de celle de Marcasse que les scènes ont principalement été mises en boîte. Là-même où Van Gogh a suivi ses compagnons d’infortune jusqu’à descendre réellement dans un puits de mine où travaillaient hommes, femmes et enfants. Pour tourner cette scène, pas question d’emmener l’équipe du film sous terre, une copie de galerie est reconstruite en surface sur un site minier désaffecté depuis peu. C’est là que Douglas va faire semblant de descendre dans un puits du 19ème siècle.
Non loin de là, c’est au terril de Wasmes (site de Marcasse) que l’acteur va aller ramasser la gaillette avec ces femmes qui cherchent ces restes de charbon destinés à se chauffer un peu le soir. La cabane où le peintre s’est installé après avoir échoué dans sa mission d’évangéliste n’existe bien sûr plus. Pas grave, Minnelli la fait reconstruire sur le site de Marcasse pour ces scènes où Vincent se consacre aux pauvres et au dessin. La cabane sera même reconstruite plus tard en studio à Culver City lors de la finalisation du tournage à Los Angeles.
Le tournage continuera encore aux Pays-Bas et à Auvers-Sur-Oise où le peintre mettra fin à ses jours.



Il ne reste plus grand-chose à voir de l’époque du tournage, le site de Marcasse est à l’abandon, ailleurs les puits de mine, châssis à molettes et machineries ont pour la plupart disparus de nos paysages. Le site du Grand-Hornu abrite maintenant un musée d’art contemporain et les terrils autrefois nus sont devenus des poumons verts pour le bonheur des promeneurs.
Ces dernières années, la mémoire du passage du peintre en Belgique a vu un regain de popularité. Des visites guidées sont régulièrement organisées sur les traces de Vincent Van Gogh, soit par l’office de tourisme de la ville de Mons, soit par des passionnés du peintre ou du film.





Rue de Wasmes et site du Grand-Hornu; Charbonnage de Marcasse à Wasmes
Le film La Vie Passionnée de Vincent van Gogh a rencontré un beau succès international, la réalisation de Vincente Minnelli et le jeu des acteurs Kirk Douglas et Anthony Quinn ayant été largement célébrés. Le film donne une image romancée assez peu éloignée du personnage réel, alors que Hollywood a souvent tendance à vouloir rendre sympathiques les héros de ses films, et c’est tout à l’honneur de l’oeuvre et de ses acteurs. Certaines séquences reprennent les tableaux du peintre en une mise en abyme (la chambre bleue à Arles, les tournesols, etc.) et le procédé Metrocolor et le Cinémascope rendent réellement justice aux tableaux du maître.
La suite de cet article vous propose une visite en règle des lieux qui ont vu passer Vincent Van Gogh dans le Borinage, chronique à lire ici !
Vous pouvez retrouver plus d’images tirées du film La vie passionnée de Vincent van Gogh dans la rubrique Galerie de photos du site.
Photos : @Simply.Mad 2019 et 2021 (et captures du Blu-ray La Vie Passionnée de Vincent van Gogh, Warner Bros. 1956)