
La maquette cache un indice qui conduit à l’un des plus grands trésors de l’Histoire.
Tintin (Jamie Bell)
Le personnage le plus connu de la bande dessinée belge vu à travers les yeux d’un des plus grands réalisateurs américains, un mélange détonnant, tonnerre de Brest !
Retour sur un film d’animation sorti il y a dix ans déjà.
Les Aventures de Tintin sont nées en 1929 dans les pages du journal Le Vingtième Siècle où son créateur Georges Remi – plus connu sous le pseudo de Hergé (ses initiales en phonétique) – va lancer ce qui deviendra le mouvement de la Ligne Claire, ou école bruxelloise, donnant ainsi ses lettres de noblesse au Neuvième Art. Le scénariste-dessinateur a aussi lancé les aventures d’autres personnages attachants mais qui n’ont sans doute pas le même rayonnement au-delà de nos frontières, dont Quick et Flupke et Jo, Zette et Jocko. Dans les années 1950, Hergé se retrouve à la tête d’un studio pour alimenter Le Journal de Tintin, où il délègue en partie écriture et dessin vers ses collaborateurs Edgar P. Jacobs (Blake et Mortimer) et Bob de Moor (Oncle Zigomar).
Les Aventures de Tintin ne constituent que 24 albums – l’auteur ne souhaitait pas voir quelqu’un d’autre reprendre son personnage après sa mort – et c’est peut-être le secret de cette aura qui continue à entourer cet univers, prolongé par un film animé avec des marionnettes en 1947 (Le Crabe aux Pinces d’Or), deux films live dans les années 1960 (Tintin et le Mystère de la Toison d’or et Tintin et les Oranges Bleues), et trois films d’animation entre 1964 et 1972 (L’Affaire Tournesol, Tintin et le Temple du soleil et Le Lac aux Requins), sans oublier les séries animées dont la plus célèbre est celle produite dans les années 1990. La série de bandes dessinées est traduite dans plus de 70 langues (dont le Corse, l’Esperanto et l’Afrikaans) et reste, près de quarante ans après la mort de l’artiste, un phénomène de librairie dans le monde. Destinées aux lecteurs de 7 à 77 ans, comme le veut la formule, les aventures du petit reporter à la houpette ne cessent de fasciner et l’on prend toujours plaisir à revisiter les albums et sa galerie de personnages hauts en couleurs.



Parmi les fans les plus célèbres de Tintin, on compte Steven Spielberg et Peter Jackson, respectivement réalisateurs des aventures d’Indiana Jones et du Seigneur des Anneaux. C’est justement lors de la sortie du premier épisode mettant en scène Harrison Ford en archéologue aventurier qu’un journaliste souligna la similitude entre son héros et le petit reporter, tandis que Jackson lisait déjà les tribulations de Tintin lorsqu’il était enfant en Nouvelle-Zélande. Ils rêvaient tous deux de porter ses aventures sur grand écran et de leur association est né en 2011 un film d’animation 3D intitulé Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne, reprenant l’intrigue des deux albums Le Secret de la Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge. On peut aussi y retrouver des éléments du Crabe aux pinces d’or. C’est surtout ce mélange des albums qui a énervé les puristes à la sortie du film, vous savez, ceux qui ont du mal à digérer qu’un film n’est pas un livre, c’est bien pour ça qu’on parle d’adaptation 😉
Techniquement, les deux compères ont coréalisé le film, mais la Directors Guild of America ne permettant pas le principe, c’est donc Spielberg seul qui est crédité au générique et Jackson en est seulement le producteur, en plus d’avoir développé le film sous l’enseigne de Weta Digital, son studio d’effets visuels en Nouvelle-Zélande. Au scénario, on retrouve Edgar Wright – réalisateur de Shaun of the Dead, Baby Driver, Last Night in Soho – qui a ici collaboré avec Steven Moffat – scénariste principal sur les séries Doctor Who et Sherlock – et Joe Cornish – un comique anglais qui a aussi réalisé le très chouette film Attack the Block.
Parmi les acteurs, qui ont fait de la « performance capture » ou système de capture de mouvement, en plus de prêter leurs voix aux personnages, on retrouve Jamie Bell (Billy Elliot, Rocketman) sous les traits de Tintin, Andy Serkis (Gollum et César le chimpanzé, c’est lui) en Capitaine Haddock et Daniel Craig (James Bond, À Couteaux Tirés) en méchant de service.






Le château de Cheverny en Loir-et-Cher, modèle pour Moulinsart
Le film s’ouvre sur la découverte par Tintin d’une maquette de bateau sur le marché aux puces d’une ville non identifiée. En effet, le film prend un malin plaisir à angliciser les panneaux publicitaires et enseignes de magasins afin de brouiller les pistes sur l’origine du petit reporter. Hergé déjà se prêtait à ce petit jeu dans la BD, donnant à sa ville des airs de Bruxelles, tout en étant pas trop précis quant aux distances entre les lieux. Le marché aux puces est, dans la BD comme dans le film, inspiré de celui de la Place du Jeu de Balle à Bruxelles, dans le quartier populaire des Marolles. D’ailleurs, l’artiste qui y caricature notre héros est Hergé lui-même, hommage appréciable au « père » de Tintin.
Ensuite découverte du château de Moulinsart, quoiqu’il me semble que le lieu ne soit pas nommé dans le film (à vérifier), berceau ancestral de la famille du capitaine Haddock que son grand-père avait perdu et qui est dans un triste état lorsque nous le découvrons dans le film. Nestor le majordome est toujours là, ouf !
Hergé s’était inspiré du château de Cheverny, près de Blois dans le Loir-et-Cher, et le film modifie très peu son aspect. Les deux pavillons latéraux ont été gommés par Hergé pour n’en garder que la partie centrale et voilà, Moulinsart est né ! Édifié au 17ème siècle et toujours habité par les Hurault de Vibraye, le domaine est ouvert au public et ne dénigre pas l’attraction causée par la célèbre bande dessinée, au contraire. Une exposition permanente, réalisée en collaboration avec la Fondation Hergé, y est visible pour le plus grand plaisir de tous les tintinophiles du monde.
En outre, après la visite du château, vous pouvez vous balader dans les très jolis jardins et rendre visite au chenil qui abrite un nombre impressionnant de chiens de chasse, le Français tricolore.



Le film nous emmène ensuite sur un port d’où embarque contre son gré notre petit bonhomme en pantalon de golfe, c’est là qu’il rencontre Haddock, le marin aux injures fleuries, descendant du chevalier François de Hadoque. Ce port, c’est géographiquement Anvers dans la BD puisque Tintin habite Bruxelles, il servira d’ailleurs de modèle aux premières aventures qui le conduisent au-delà des océans.
Après un atterrissage désastreux en plein désert que l’on identifiera comme étant le Sahara marocain, nos deux nouveaux amis accompagnés du toujours fidèle Milou, se retrouvent à Bagghar, ville fictive qui est la copie de Tanger.
N’oublions pas la musique de John Williams, le compère habituel de Spielberg, qui se fend de plusieurs thèmes attachants, à commencer par le générique aux intonations jazzy et qui annonce du grand spectacle. Les images du très réussi générique sont à ce propos l’oeuvre de Dennis Yoo et de son équipe à Weta, on peut y voir un hommage aux génériques de films du légendaire Saul Bass.
L’avant-première mondiale du film a eu lieu à Bruxelles, au cinéma UGC De Brouckère, en présence des acteurs Jamie Bell et Gad Elmaleh (Omar Ben Salaad dans le film) et de Steven Spielberg, et ce n’est que justice, bougre d’extrait de cornichon ! Pensée comme une trilogie, l’adaptation d’un prochain diptyque est toujours à l’ordre du jour. Affaire à suivre…




Exposition Tintin à Saint-Nazaire
Petit bonus par rapport à l’univers de Tintin, dans l’album Les Sept Boules de Cristal, Hergé nous faisait découvrir le port de Saint-Nazaire et j’ai eu le plaisir de profiter d’un passage dans cette ville de la Loire-Atlantique pour suivre le parcours BD qui anime l’ancien port transatlantique. Foi de tintinophile, entre les agrandissements de cases de BD et la table d’orientation Tintin et la mer, réalisations que l’on doit à l’association de fans Les 7 Soleils de Saint-Nazaire, cela vaut la peine de découvrir, avec les mots du capitaine Haddock : « les quais, l’océan, le vent du large, les embruns qui vous fouettent le visage ».



Le port de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique, à l’embouchure de la Loire
Il ne me reste plus qu’à me replonger dans les bandes dessinées du plus célèbre reporter-globetrotter au monde, dont les aventures rocambolesques fourmillent de détails et de découvertes, et qui sont toujours aussi pertinentes, même après une énième relecture.
Vous pouvez retrouver plus d’images tirées du film Les Aventures de Tintin dans la rubrique Galerie de photos du site.
Photos : @Simply.Mad 2007, 2017 et 2021 (et captures du film Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne, Paramount 2011 et scans des bandes dessinées Les Aventures de Tintin, Casterman)